I. États des lieux :

au niveau mondial

Situation de l’économie mondiale en mai 2020

 

La crise sanitaire est une crise particulière qui touche l’offre et la demande. L’offre a été fermé. En fermant l’offre, la demande a été pratiquement détruite. Les conséquences de la crise :

          • Confinement de 4 milliards de personnes
          • 300 millions de personnes ont perdu leur emploi
          • Recul de l’activité économique le premier trimestre de 5% dans le monde
          • Une prévision de la chute de l’activité entre 20% à 35% pour le deuxième semestre.
          • 8000 milliards de dollars ont été dépensés pour essayer de reprendre l’activité

Malgré les différentes mesures d’urgences, beaucoup d’incertitudes demeure quant à la reprise économique mondial. Personne ne sait qu’elle peut être sa durée,  ce qui a été réalisé, et personne ne sait exactement quels sont les risques sur le commerce international compte tenu du renouveau des  tensions entre les États-Unis et la Chine.

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Algérie

2014-2019

 

Le choc pétrolier de 2014 a affaibli l’Algérie, malgré l’aisance financière de l’époque, la réponse à la crise était financière et non structurelle. Le modèle de croissance, y compris le cadre budgétaire à moyen terme (CBMT),  ont été préparé hâtivement dans la foulée de la crise et ont été abandonné aussitôt à mi 2016, tout en introduisant des mesures monétaires non conventionnelles par l’injection massives de liquidités. Rendu possible par l’amendement de la loi sur la monnaie et le crédit (Ordonnance de 2003) en novembre 2017. Tout cela tout en continuant à vivre au-dessus de ses moyens, les chiffres du commerce extérieur l’atteste. La non-gestion dans le fond de la crise de 2014 a accentué le déficit des finances publiques.  

 

Les indicateurs suivants sont parlants :

 

1. Un déficit budgétaire global élevé passant de 8,8% du PIB en 2017 à 9,8% du PIB en 2018 (financé par un recours massif à l’endettement auprès de la Banque d’Algérie) et un niveau provisoirement estimé à 9,5% du PIB en 2019, dont 2,9% du PIB représentant le déficit de la CNR (caisse national des retraites) ;

 

2. Un déficit global de la balance des paiements qui est passé de 2,8% du PIB en 2014 à environ 9,9% du PIB en 2019 avec pour corollaire une chute des réserves de change qui sont passées de $198 milliards en 2014 à $63.8 milliards à fin 2019 et une érosion de la monnaie nationale de 49% entre 2014 et 2019. Cette dernière a fait chuter la demande globale laquelle explique, entre autres, la décélération de l’inflation qui est passée à 1,9% à fin 2019.

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En conséquence, notons :

 

1. La croissance déjà faible en 2014 (3,8%) qui a continué de chuter pour se situer à 1% en 2019, tirée essentiellement par la consommation domestique finale et les investissements publics ;

 

2. La montée du chômage, notamment chez les femmes et les jeunes du fait du faible niveau de croissance qui ne peut absorber les flux annuels de demandeurs d’emploi (environ 200 000 dont 160 000 sont des primo demandeurs) encore moins réduire le stock de chômeurs évalué à 1,3 million de personnes ;

 

3. Un revenu par tête d’habitant en baisse constante qui est passé de 5,355 dollars en 2014 à 4,100 dollars en 2019. 

 

Ces trois derniers indicateurs posent problème, mais ils sont le résultat direct de finances publiques et de comptes extérieurs qui ne sont pas sains. L’hémorragie de ressources publiques doit être stoppée immédiatement pour avoir une option sur l’avenir.

 

Mr Bessaha rappelle que le déficit budgétaire n’est pas un souci en lui-même, c’est l’amplitude du déficit qui pose problème.  Le déficit entraine une hémorragie des recettes et une déperdition des ressources rares du pays mobilisées pour le financer. Entre 2014 et 2019, 11 800 milliards de dinars  (soit deux ans de recette budgétaires) ont été mobilisées pour combler les déficits de la balance du compte courant et de la balance des paiements.

Il a rappelé aussi que la balance des paiements algérienne est structurellement fragile, car les seules ressources algériennes sont celles des exportations, le compte de capital et le compte financier ne contribuent qu’à hauteur de quelques milliards en termes de transferts.

 

Sans le règlement du problème des déficits, la croissance, l’inflation, le niveau de vie vont tous en pâtir. La croissance a décliné entre 2014 et 2019 et les réserves de changes ont fondu. Le faible taux d’inflation est expliqué par le nombre de produits subventionnés, et les prix au niveau international qui sont en baisse.

2020

Deux chocs exogènes (pétrolier et sanitaire) ont un impact direct sur l’économie algérienne, qui dépend en grande partie des recettes pétrolières.

 

Mesures prises par les autorités pour faire face à la crise au mois de mars 2020 :

 

Un certain nombre de réponses ont été donné par les autorités algériennes, des mesures sociales, économiques et monétaires. Toutes les mesures sont des mesures d’urgences qui s’inscrivent à très court terme et ne rentre pas dans une stratégie globale à moyen et long terme. La loi de finances complémentaires tarde à venir alors que 120 pays dans le monde ont adopté des lois de finances couplé à des mesures d’urgences courant mars et avril.  

 

En résumé les mesures prises au mois de mars :

Dépenses :

 

– Échanges extérieurs : rationalisation des importations d’environ 10 milliards de dollars et dépréciation du Dinar de 7,5 %.

Plan social : report des paiements des cotisations sociales, paiement des salaires et pensions pour les travailleurs du secteur public et privé, appuis aux ménages

Plan monétaire : report et/ou renouvellement des échéances des crédits arrivées au 31 mars 2020, et postérieurement, consolidation des impayés non traités à la date du 31 mars 2020 et postérieurement, prorogation des dates limites d’utilisation des crédits et les différés de paiement ainsi que l’annulation des pénalités de retard des créances exigibles à la date du 31 mars 2020 et postérieurement et maintien et/ou du renouvellement des lignes de crédits d’exploitation, le rééchelonnement des crédits au profit des entreprises, publiques et privées jusqu’à septembre 2020

Plan budgétaire : reports de paiements d’impôts, primes spéciales et revalorisation de la fonction médicale. Pour la loi de finances complémentaire, il est prévu de réduire de 50% le budget de fonctionnement des dépenses du matériel (hors salaires et transferts).

 

Si la réduction des dépenses courantes hors salaires et hors transferts va générer une économie de 320 milliards de DA (coupes sur les biens matériels et les subventions aux Etablissements Publiques, ce qui pourrait poser des risques) de laquelle il faudra déduire 70 milliards de dépenses additionnelles pour couvrir sur 7 mois l’augmentation du SNMG de 2000 DA.

 

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Recettes :

 

Pour les recettes, il est prévu une perte nette de recettes ordinaires de 120 milliards de DA

 

– Exonération de l’IRG : -25 milliards de DA ;

– Suppression du système de déclaration des professions libérales : -15 milliards de DA ;

– Manque à gagner en termes de TVA dû à la baisse des importations : -109 milliards de DA

– Gain sur la TVA dû à la dépréciation du DA +25 milliards de DA.

II- Situation macroéconomique de l'Algérie :

Le problème de l’Algérie au niveau macro-économiques se situe au niveau :

 

1. Déficit des finances publiques

2. Déficit du secteur extérieur

 

Pour faire repartir la machine économique, il faut résorber ces deux déficits.

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Besoin de financement 2020-2022 : 110 milliards de dollars

 

– Budget : 2200 milliards de DA  par an soit 6600 milliards pour les trois ans (50 Milliards de dollars)

– Balance des paiements : 60 milliards de Dollars

 

Comment les couvrir ?

 

1.Par des réformes budgétaires en recettes et en dépenses (pour un gain de $25 milliards mais sans recourir à l’austérité car elle casserait la croissance) :

2. La disponibilité estimée de réserves de change (environ $55 milliards à fin avril) ;

3. D’autre mesures telles que la diversification des exportations et une dépréciation nominale du DA d’environ 30-40% (gain d’au moins 5 milliards sur les importations).

 

Un Gap de -25 milliards qu’il faut combler : comment s’y prendre ?

 

1. Des emprunts financiers sur le marché algérien (quoique l’épargne nationale des entreprises et des ménages soit faible) ;

2.Des prêts projets dont il faut d’ores et déjà entamer la préparation ;

3.Des aides budgétaires

4.Des appuis à la balance des paiements.

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Pour que l’Algérie retrouve une situation économique saine et une croissance soutenue et sortir de ce cercle vicieux, il faut une stratégie à moyen terme cohérente, globale et intégrée dans un cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) qui doit d’abord et avant tout créer, grâce à des réformes ambitieuses et étalées dans le temps, une trajectoire de retour à des finances publiques saines et des comptes extérieurs soutenables, condition sine qua none pour faire repartir l’économie du pays.

 

Cette stratégie doit inévitablement combiner la phase d’urgence (avec des mesures ciblées et temporaires portant sur les volets santé publique, protection des travailleurs et des entreprises et couverture sociale pour les plus démunis) et la phase post-urgence qui ouvrira la voie à une reprise économique à moyen terme saine et élargie, une création d’emplois stables et une réduction de la pauvreté.

Les appuis extérieurs sont indispensables au redressement de l’Algérie à moyen terme. Encore faut-il mettre en place une stratégie d’endettement et articuler toutes les mesures mentionnées ci-dessus dans un plan de redressement à moyen terme crédible qui fera ressortir tous les efforts que peut déployer le pays sur les plans macroéconomiques, structurel et sectoriel.

 

Il n’y a pas d’autre alternative pour le pays que de mener des vraies reformes solides et ambitieuses. La réhabilitation du modèle rentier n’est même pas une option.

 

Ce programme doit faire l’objet d’une diffusion la plus large pour des raisons de visibilité.

III- Mise en oeuvre des mesures et des réformes :

Un plan de mesures doit être pris dans le court terme, dans les 6 mois à venir, et le moyen terme, dans les 3 ans qui vont suivre. Ces mesures visent en premier lieu la stabilisation de l’économie pour ouvrir la voie à des réformes plus approfondie. Ces mesures se déclinent en trois phases : mesures d’urgences, mesures post urgences et des mesures de relance et de consolidation de la croissance, le tout accompagné par des mesures structurelles et des politiques sectorielles. Des réformes structurelles incontournables toucheront les finances publiques sous tous leurs aspects, le secteur financier, le taux de change, le cadre institutionnel de l’investissement et la bonne gouvernance.

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1. Stabiliser l'économie (mesures d'urgences et post urgences)

L’Algérie dispose d’une fenêtre de six mois pour préparer une stratégie à moyen terme, qu’il faut mettre en place nous-même (sans FMI). Cette stratégie doit être préparée au cours des 6 prochains mois afin de la mettre en place dès 2021. 

 

Cette stratégie commence par des mesures pour stabiliser l’économie afin d’éliminer les grands déséquilibres macroéconomiques, ce qui suppose un mix de politiques combinant une réduction graduelle du déficit budgétaire pour préserver la croissance (politique budgétaire), une dépréciation du taux de change pour atteindre le taux d’équilibre (politique de change) et le contrôle de l’inflation (politique monétaire) ;

A. Mesures budgétaires :

 

Pour le budget, il faut réduire le déficit si possible en explorant la possibilité de dégager des recettes additionnelles et de couper les dépenses non prioritaires. 

 

La structure de financement du déficit, doit être une structure qui fasse l’équilibre entre la soutenabilité des finances publiques à moyen terme et la croissance. Il ne faut pas sacrifier la croissance.

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Les recettes:

 

Les pistes réalistes

 

16,4% des recettes reçus hors pétrole, alors que le potentiel est de 19% (2,6 point de pourcentage de potentiel à recouvrer en plus). Cet objectif peut être atteint par des différentes actions :

 

1. La réduction des exonérations fiscales (dépenses fiscales et douanières). Il y’a l’équivalent de 530 niches fiscales en Algérie qui représente 1 260 milliards de dinars (dont 600 milliards DA environ pour les impôts, 660 milliards de DA pour les douanes) qui touchent l’IBS, la TVA intérieure et extérieure et les droits de douane ; 

 

2. Réforme de l’administration par son amélioration et son assainissement qui se trouve dans une situation affaiblie, corrompue et inefficace (dématérialisation des procédures de déclaration et paiement, maîtrise des obligations fiscales, renforcement du contrôle fiscal, lutte contre la fraude, maîtrise de la base d’imposition). L’administration algérienne coûte 2,5% en termes de charge par apport aux recettes recouvrées. Ce qui veut dire qu’elle recouvre très peu par apport à ce qu’elle coûte. (USA 1%, France 1%, 0,5% en Suède).

 

3. Réforme de la politique fiscale : le taux et l’assiette.

 

4. Recouvrement des arriérés fiscaux (il y a 3 500 milliards de dinars de stock à recouvrir).

 

5. Une meilleure coordination entre les grandes régies financières

 

Un mix de mesures réalistes pourrait générer en net environ 320 milliards de DA. 

Dépenses :

 

Sur le plan des dépenses, la seule marge de manœuvre c’est une baisse des dépenses en capital (investissement) afin de ne retenir que les projets qui s’exécutent normalement (gain de 1465 milliards de DA). 

 

Les dépenses de fonctionnement : 

– Dépenses de subventions : faire des choix et lisser la réforme dans le temps

– Dépenses de salaires (masse salariales). Plan d’action sur trois ans :

Identifier les départs à la retrait

Identifier les besoins nouveaux

– Réduction des dépenses de fonctionnement  à la marge,  y compris pour  les dépenses de matériel 

 

Les dépenses en capital (investissement) : 

Beaucoup d’investissements sont inefficace. Des projets qui coûtent 8 DZD  d’investissement pour 1 DZD de recette. La norme au niveau mondial est de 3/1 (3 investis pour 1 de recette). Pour réduire ces dépenses (la seule piste propable), il faut entreprendre des actions  :

 

– Analyse projet par projet et garder les projets légers, cohérents qui peuvent générer de la valeur ajoutée :

– Identifier les projets qui avancent normalement, car il y a des projets ou rien ne se passe.

Supprimer les projets clôturés mais toujours inscrits

 

Au total, ceci pourrait ramener le déficit global de 14,7% du PIB à 7% du PIB en 2020. Il sera financé par un recours aux concours de la Banque centrale en 2020, (financement non conventionnel) seule option disponible. 

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B. Situation extérieur (politique de change)

 

La détérioration projetée des échanges extérieurs au cours des prochains mois, va impacter négativement les indicateurs clés d’analyse de la viabilité extérieure. Compte tenu d’un compte courant normatif de 5% et un déficit du compte courant passant à 12, 1% du PIB, l’écart est de 7,1 points de pourcentage qui doit être normalement comblé par des politiques budgétaires restrictives, une diversification des exportations et une dépréciation nominale du DA d’environ 30-40%.

 

Pour la politique de change, le taux de change du DA était déjà surévalué avant le choc pétrolier dans une fourchette de 20-25 %. Les autorités monétaires ont fait déprécier le taux de change du DA de 7,5% en 2020. Il faut donc poursuivre le glissement du DA pour atteindre au moins 20% en 2020. 

 

Remarque : dévaluation versus dépréciation

On ne peut pas parler de dévaluation en Algérie car l’Algérie n’utilise pas un taux de change fixe, mais un taux change glissant, par apport à un panier de devises, selon différents objectifs que se fixe la banque d’Algérie et aussi un certains nombres d’impératifs économiques. La banque d’Algérie cible le taux de change effectif réel (indicateur de compétitivité).

Le taux de change en Algérie est surévalué de 30 % à 40%, ce qui veut dire qu’il va falloir déprécier de façons progressives d’une manière à ce qu’il atteint une certaine valeur d’équilibre.

Précision, le taux du marché en parallèle, n’est pas le taux officiel, c’est un taux au milieu, entre le taux officiel et le taux d’équilibre.

La dépréciation du dinar est inéluctable, pour une raison, simple, moins de réserves, moins de devises implique que la valeur de dinar va baisser.

 

C. Le contrôle de l’inflation (politique monétaire)

 

Déterminant de l’inflation en Algérie :

– Augmentation de la masse monétaire ==>  impact minime sur l’augmentation des prix (0,2% de l’IPC)

– Dépenses publiques (1% d’augmentation) ==> impact faible ( 0,03% sur l’IPC)

– Taux de change ==> 0,2%

 

L’élément qui agit le plus sur l’inflation, est l’écart entre la demande et l’offre, les imperfections du marché.

 

 

2. Relancer l'économie à moyen terme

Pour le moyen terme, la stratégie vise à construire progressivement un modèle de développement axé sur le travail, la créativité et l’esprit d’entreprise. 

Cette stratégie à moyen terme se résume ainsi : 

1. Relancer l’activité économique par l’investissement et l’exportation en profitant du boom technologique qui caractérise les secteurs verts, bleu et numérique.

2. Abandonner le modèle de rente pétrolière.

3. Politique industrielle

Dans ce nouveau modèle, la commande publique doit cesser d’être la source de croissance.

 

L’objectif finale de cette politique et stratégie à moyen terme est d’équilibrer les besoins de croissance avec le besoin d’avoir des finances publiques dans un cadre macro-économiques sain.

Quand on fait un programme, sur le moyen terme, il faut définir des hypothèses et des projections :

 

Hypothèses :

1. Quel taux de croissance à cibler ?

2. Le taux d’inflation que l’on peut valablement soutenir ?

3. Le taux de change qui soit réaliste

Projections :

1. Le budget :

2. La balance des paiements

3. Niveau monétaire

 

Un pays ne fait pas de la stabilisation pour la stabilisation, on fait la stabilisation pour créer les conditions et allouer le maximum de ressources à l’investissement. Il ne s’agit pas de couper les dépenses pour les couper, d’augmenter les recettes pour les augmenter.

C’est les objectifs de croissance qui guide la trajectoire de stabilisation et la trajectoire de croissance.

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Gouvernance :

 

Au final il faut signaler, et c’est un point très important qu’une bonne gouvernance économique solide, ne peut exister que s’il y a une bonne gouvernance politique (transparence, la bonne utilisation des ressources, des objectifs à moyen et long terme. Auxquelles, il faut rajouter la sécurité.

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